Lors de la Preview VIP de la 3e édition de Frieze Seoul mercredi 4 septembre (la foire se poursuit jusqu’au 8 septembre), des ventes modérées ont été enregistrées, conséquences du ralentissement économique en Corée du Sud. La foire se tient en même temps que le plus ancien salon Kiaf, qui organise sa 23e édition.
L’énergie est pourtant toujours bien présente à Séoul, les deux événements enregistrant même une augmentation bienvenue du nombre de leurs visiteurs, notamment grâce aux éditions inaugurales de la Seoul Art Week (SAW) et du Korea Art Festival (KAF), qui se déroulent parallèlement aux foires. « Tous ceux qui sont venus ont vu des expositions extraordinaires, souligne le directeur de Frieze Seoul, Patrick Lee. L’énergie est là, les gens sont enthousiastes, et cela se répercute sur la foire. Je pense que l’atmosphère [de mercredi] était très joyeuse ».
La SAW est une initiative de la municipalité de Séoul, tout comme le festival de sculpture de Séoul, qui se tient en parallèle, tandis que le KAF est organisé par le ministère coréen de la Culture. « Je pense que la foire a accueilli quelques conservateurs de musée qui auraient pu hésiter, mais qui sont venus voir la biennale de Gwangju [qui s’ouvre le 7 septembre] », ajoute Patrick Lee.
Cette année, le Korea Arts Management Service (Kams) a poursuivi son programme d’invitations en conviant 15 conservateurs et représentants des médias à visiter des ateliers d’artistes, tandis que la Korea Art Foundation a lancé sa propre initiative pour permettre à 30 conservateurs internationaux de visiter diverses expositions et ateliers d’artistes à Séoul.
Malgré tout, l’engouement a été plus fort que les ventes. James Lee, fondateur de la galerie BB & M de Séoul, a qualifié la première journée de Frieze Seoul de « tout juste correct ». Son sentiment a été largement partagé par les exposants. « Nous avons vu passer un certain nombre de groupes de musées », bien qu’il y ait plus de conservateurs que de membres de conseils d’administration, a-t-il déclaré. La galerie, fondée il y a trois ans, participe pour la première fois à la foire et représente des artistes coréens établis tels que Minouk Lim, Bae Young-whan et Heecheon Kim, ainsi que la superstar Lee Bul, qui inaugure sa commande pour la façade du Metropolitan Museum of Art de New York le 12 septembre.
Les œuvres de Lee Bul, qui est également représentée sur la foire par Thaddaeus Ropac et Lehmann Maupin, ont fait l’objet d’un vif intérêt. Deux pièces récentes de sa série de nacre sur toile, Perdu, ont été vendues sur le stand de Lehmann Maupin pour 210 000 dollars et 190 000 dollars, ainsi qu’une sculpture et cinq peintures de Kim Yun Shin et quatre dessins de Do Ho Suh, qui bénéficie en parallèle d’une exposition au Art Sonje Center. « Les Coréens sont venus en force, a déclaré Rachel Lehmann, cofondatrice de la galerie. Nous avons réussi à placer des œuvres de nos artistes coréens, en particulier auprès de collectionneurs d’Asie de l’Est et du Sud-Est, y compris un certain nombre de nouveaux acheteurs de la région », ainsi qu’auprès de collectionneurs occidentaux et d’institutions.
La Galerie Thaddaeus Ropac a profité de la semaine de la foire pour annoncer qu’elle représentait Lee Kang-So, dont l’acrylique sur toile The Wind Blows, de 2024, s’est vendue pour 180 000 dollars le jour du vernissage. La galerie a également cédé pour 1 million d’euros l’huile sur toile de 2023 Ein Pilgerort, die Hütte gibt es noch, de Georg Baselitz, qu’elle expose en parallèle dans sa galerie de Fort Hill à Séoul. Elle a encore vendu la peinture de Martha Jungwirth In der Strafkolonie, de 2024, pour 300 000 euros. « Jusqu’à présent, nos ventes sont principalement faites à des collectionneurs coréens, a déclaré Thaddaeus Ropac. Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. Pour l’instant, la journée d’ouverture est un peu plus lente en termes de ventes que l’année dernière, mais nous ne sommes pas du tout inquiets quant à l’évolution de la situation d’ici la fin de la foire. La scène artistique de Séoul est très dynamique. Frieze a vraiment renforcé sa présence et son impact ici ».
GDM, anciennement Galerie du Monde, basée à Hong Kong et qui s’étendra à Taipei dans le courant de l’année, représente des artistes contemporains et traditionnels et a rejoint la section Frieze Masters de la foire cette année. « Les organisateurs voulaient un art moins "mignon" qu’auparavant », explique la directrice de la galerie, Lisa Dai. Une heure après l’ouverture de la foire, GDM avait déjà vendu l’œuvre contemporaine chinoise à l’encre Fata Morgana (2024) de Zhang Chongbing pour 60 000 dollars à une institution asiatique non coréenne, ainsi que deux compositions à l’encre de Wesley Tongson pour 40 000 dollars chacune et trois œuvres plus petites de Wu Shan pour 7 000 à 10 000 dollars chacune. Le deuxième jour, une peinture de Liu Kuo-Sung datant des années 1980 a été vendue à une collection privée pour 85 000 dollars. Lisa Dai estime que leur « style chinois est très différent » de celui présenté par la plupart des autres galeries de la section Frieze Masters.
Parmi les autres ventes du premier jour, citons une petite sculpture en bronze poli LOVE de Robert Indiana pour 550 000 dollars chez Pace, qui a également vendu des peintures de Robert Nava (185 000 dollars), Kylie Manning (100 000 dollars) et Maysha Mohamedi (65 000 dollars), ainsi qu’une œuvre de Mika Tajima pour 95 000 dollars. La veille de la Preview de la foire, la galerie a fait le buzz en ville avec l’ouverture de l’exposition magistrale dans sa galerie présentant sur deux niveaux six tableaux de Mark Rothko et quatre de Lee Ufan, une présentation conçue par ce dernier avec la famille du peintre américain. L’artiste coréen montre notamment Response (2023), une toile atypique où se côtoient une classique surface peinte en dégradé et un mélange informe de couleurs inhabituellement gestuel. L’exposition comprend également une nouvelle sculpture de Lee Ufan, Relatum - Correspondance (2024), installée dans le patio de la galerie.
Parmi ses nombreuses ventes sur Frieze Seoul, la Galerie Hauser & Wirth a cédé plusieurs pièces de Nicolas Party, dont Portrait with Curtains (2021) vendu 2,5 millions d’euros à une collection privée asiatique. L’artiste suisse bénéficie pendant la foire de sa première exposition personnelle en Corée du Sud au Hoam Museum of Art. « Nous avions de grandes attentes pour Frieze Seoul cette année et jusqu’à présent, elles ont été dépassées, a déclaré James Koch, directeur exécutif et associé de Hauser Wirth. L’énergie combinée de la foire et de la semaine artistique de la ville a été particulièrement renforcée cette année par les Biennales de Gwangju et de Busan. Nous avons eu d’excellentes conversations avec notre réseau respecté de conservateurs de musées et d’institutions, et nous avons également noué un ensemble de nouveaux liens. L’écosystème de l’art ici est si dynamique que c’est une joie d’en faire l’expérience ».
Alors qu’Anicka Yi bénéficie d’une importante exposition personnelle au Leeum Museum de Séoul, Gladstone a vendu plusieurs de ses sculptures sur son stand de Frieze pour 200 000 dollars pièce et deux peintures de sa série Salvo pour 350 000 dollars et 150 000 dollars. La galerie a aussi vendu le premier jour plusieurs dessins de Keith Haring pour 125 000 dollars chaque et des peintures d’Ugo Rondinone allant de 70 000 dollars à 170 000 dollars.
Du côté des exposants français, François Dournes, sur le stand de la galerie Lelong & Co., estimait avoir vu un public plus international que d’ordinaire, notamment quelques Européens, grâce à la Biennale de Gwangju, sans que Frieze Seoul ne puisse concurrencer de ce point de vue Art Basel Hong Kong, qui attire collectionneurs et professionnels de toute l’Asie. L’enseigne montre pour la première fois sur le stand les œuvres de l’artiste coréenne Hyunsun Jeon, finaliste du Prix Jean-François Prat 2024, avant de l’exposer à Paris. La Galerie Mitterrand a quant à elle consacré l’ensemble de son stand à Niki de Saint Phalle, avec des œuvres emblématiques de différentes périodes de sa carrière. Dès le premier jour, elle était en négociation pour céder une Nana Fontaine (vers 1967), une grande sculpture de 1,95 m de haut, qu'elle a vendue pour plus de 500 000 euros. De son côté, pour sa première participation, Guillaume Sultana (Galerie Sultana) soulignait avoir eu des contacts avec des « personnes sophistiquées ».
Peres Projects, qui possède deux espaces à Séoul, a connu une activité soutenue pour sa quatrième année à Kiaf. Compte tenu de la situation économique, « nous n’avions aucune attente, mais la foire est vraiment très bonne, a déclaré le directeur général pour l’Asie, Kacey E Cho. Le rapport coût/performance de la Kiaf est très bon, et pour les galeries internationales, la Kiaf est plus intéressante parce qu’elle est différente des foires internationales. Bien qu’elle soit « très axée sur la Corée », la Kiaf « accueille également de nombreux visiteurs de Taïwan et du Japon et, cette année, davantage d’Asiatiques du Sud-Est, probablement venus assister à la Biennale de Gwangju », poursuit Kacey E. Cho. La galerie a cédé plusieurs œuvres de Keunmin Lee, Emily Ludwig Shaffer et Dylan Solomon Kraus.
La Seoul Art Week a contribué à combler le fossé traditionnel entre un marché de l’art très axé sur la peinture et une scène artistique locale plus multimédia et avant-gardiste, « une séparation qui existe partout, pas seulement en Corée, déclare James Lee de BB & M. « Elle est moins séparée aujourd’hui que par le passé », précise-t-il. En effet, si la peinture est toujours dominante dans les deux foires, l’offre de Frieze s’est sensiblement diversifiée par rapport à l’année dernière – même au-delà du secteur des performances nouvellement lancé.
Pour la SAC Gallery de Bangkok, nouvelle venue à Frieze Seoul, les installations, vidéos et œuvres photographiques n’ont pas donné lieu à des ventes dès l’après-midi d’ouverture, mais à de nombreuses demandes de renseignements et à des contacts. Présente sur le secteur subventionné Focus Asia, son projet Dark was the Night du cinéaste Taiki Sakpisit, qui sera présenté à la Biennale d’art de Bangkok le mois prochain ainsi qu’à la Biennale de Gwangju en 2023, fait référence au massacre de manifestants pour la démocratie perpétré en 1976 à l’université Thammasat en Thaïlande.