Au-delà de l'iconographie habituelle autour de laquelle son nom est associé - les intérieurs américains (avec la série des «Still Life»), la société de consommation, la télévision, les grandes figures politiques, la bannière étoilée des États-Unis, les salles de bains et les « Great American Nudes » -, l'exposition s'attache à dévoiler l'expérimentateur hors pair qu'a été l'artiste. Virtuose de la combinaison (quasi invisible) du collage et de la peinture, coloriste de premier plan, Tom Wesselmann possède une étonnante capacité à différencier les échelles des objets ou des fragments de corps qu'il peint. Ces ruptures formelles constantes s'allient à des superpositions de plans, soit purement picturales, soit par matériaux en chevauchement ou éléments du quotidien incorporés dans des compositions tridimensionnelles (radiateurs, fenêtres, horloges) dont certaines avec des effets sonores ou lumineux parfaitement intégrés (postes de télévision ou de radio, ventilateurs, néons). S'il n'est bien entendu pas le seul artiste du pop art américain à y avoir recours, cette propension à travailler de la sorte l'amène à créer des œuvres monumentales en trois dimensions que l'on pourrait presque considérer comme des décors. Ce sont les « Standing Still Life » du début des années 1970, composées de plusieurs toiles imposantes reproduisant à grande échelle de petits objets du quotidien.
Si ces toiles conservent leur dimension picturale et leur traitement illusionniste en deux dimensions, vingt ans plus tard, Tom Wesselmann expérimente le dessin sur le métal : les pièces en aluminium sont peintes à la main, celles en acier découpées au laser. Figuratives au départ, ces œuvres sur fragments métalliques se muent en compositions abstraites colorées, faites de superpositions de plans. Elles s'approchent ainsi de sculptures murales qui, toutes proportions gardées, font penser aux papiers découpés de Matisse.
Avec ses « Great American Nudes », Wesselmann est aussi l'un des peintres témoin de la libération sexuelle des années 1960 et de l'érotisme ambiant de cette époque. Prenant sa femme pour modèle, il n’hésite pas à représenter le désir féminin dans nombre de ses œuvres. On se reportera à ce propos à l'essai de Brenda Schmahmann « Entre révolution sexuelle et révolution esthétique: Tom Wesselmann et l'art de la subversion », publié dans le copieux catalogue de l'exposition. Mickalene Thomas, l'une des artistes contemporaines invitées, reconnaît à juste titre son importance: « La manière dont Wesselmann a repoussé les limites et bousculé les normes sociétales est une de mes sources d’inspiration. Globalement, je peux dire que son style novateur et son approche insolente dans son exploration de la sexualité et du désir ont eu un impact profond sur ma vision et sur ma pratique artistique ».
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« Pop Forever, Tom Wesselmann & », jusqu’au 24 février 2025, Fondation Louis-Vuitton, 8 avenue du Mahatma Gandhi, 75116 Paris.