Né le 27 mars 1930 à Galati, en Roumanie, Daniel Spoerri (de son vrai nom Daniel Isaak Feinstein) a d’abord été danseur, comédien, metteur en scène, éditeur, avant de fonder le mouvement du Nouveau Réalisme en 1960, aux côtés d’Yves Klein, Arman, Jean Tinguely et Raymond Hains. Avec lui s’éteint une figure de proue des avant-gardes de la seconde moitié du XXe siècle.
Ses « Tableaux-pièges » l’ont rendu célèbre. Spoerri y fixe des scènes de la vie quotidienne pour les élever au rang d’œuvres d’art. Le principe est simple : des tables dressées avec des restes de repas constituent la matière première de créations témoignant d’instants fugaces. Une manière d’ancrer les plaisirs éphémères dans une éternité. « Je ne me permets aucune créativité », disait-il, non sans ironie, collant les objets tels que restés disposés à l’issue de ces agapes. L’artiste développera ainsi le concept de Eat Art, mis en pratique avec l’ouverture en 1968 du Restaurant Spoerri à Düsseldorf, en Allemagne, et la création de la Eat Art Gallery. Ses amis Ben, César et Arman y exposeront des créations éphémères comestibles. Pierre Soulages participera à certains de ses banquets.
Affublé, à son corps défendant, du titre d’« artiste de la vaisselle sale », Spoerri créera une série de « trompe-l’œil », dans laquelle il se joue de la frontière entre illusion et réalité.
« Connu pour son œuvre unique au croisement de l’art et de la vie même, Spoerri laisse une empreinte majeure dans l’histoire de l’art, a déclaré le Centre Pompidou à l’annonce de son décès. […] Il a dynamisé le monde de l’art en faisant de l’anecdote et des rebuts de la société de consommation un champ de réflexion pour l’art contemporain. »
Dès son ouverture en 1977, Beaubourg invite le plasticien à investir, avec Jean Tinguely, Niki de Saint Phalle et d’autres artistes, le Forum du bâtiment. Il y présente son Musée sentimental, « sorte de musée du fétichisme pour des objets dont la présence tient à leur charge sentimentale plutôt qu’à des raisons historiques ou qualitatives ». Le Centre Pompidou, qui compte dans sa collection 25 de ses œuvres, a célébré Spoerri en 1990 dans l’une des premières expositions rétrospectives et itinérantes mettant en lumière son influence sur les pratiques artistiques contemporaines.
En 2022, le Musée d’art moderne et d’art contemporain (Mamac) de Nice lui a consacré une grande exposition, « Le théâtre des objets de Daniel Spoerri », réunissant plus de 300 de ses œuvres.
L’artiste sera à nouveau à l’honneur du 26 mars au 30 juin 2025 dans l’exposition présentant la collection de Jean Chatelus donnée par la Fondation Antoine de Galbert. En 2026, dans le cadre du programme du Centre Pompidou hors-les-murs, « Constellation », une exposition sur le thème du Musée sentimental est programmée avec le Pôle des musées d’art de Lyon MBA / mac Lyon.
« Daniel Spoerri s’est distingué par son esprit curieux et sa capacité à explorer divers champs artistiques. Premier danseur de l’opéra de Berne dans les années 1950, puis metteur en scène de théâtre, poète concret, pionnier dans l’édition de multiples artistiques et de livres d’artistes, collectionneur et créateur de restaurants artistiques, il s’est investi dans de nombreuses disciplines, en jouant toujours des frontières de l’art avec la vie, lui a rendu hommage le Centre Pompidou. Son Jardin de sculptures en Toscane, Il Giardino di Daniel Spoerri, créé dans les années 1990, et sa fondation Ausstellungshaus Spoerri en Basse-Autriche témoignent de cette intense créativité : des espaces poétiques où cohabitent ses œuvres et celles d’autres artistes, célébrant ainsi l’amitié, la création, la nature, la vie, le souvenir, l’humour et l’humanisme. »