En février 2024, vous inauguriez Art Gstaad, un Salon d’art contemporain organisé dans la station de ski du même nom. Quelques mois plus tard, vous créiez MAZE, une entité – vous parlez de « constellation » – regroupant onze Salons qui se tiendront tout au long de l’année entre Zurich, Barcelone, Monaco ou encore Paris. Chacun possède sa thématique propre : le design, la photographie, l’installation, le bijou d’artiste, etc. Quelle est votre stratégie ?
Par la justesse du moment, le lieu magique et le format à taille humaine, le salon Art Gstaad a montré que cette manière de faire pouvait rencontrer un grand succès. L’ambition est d’offrir une constellation d’expositions qui touchent aux différents domaines de la création en atteignant le plus haut niveau de qualité possible. Comment ? En limitant radicalement le nombre de participants à une trentaine au maximum et en segmentant les disciplines, à l’exception du Salon mère à Gstaad, lequel bénéficie précisément de l’expertise et du réseau des autres Salons. Ceci nous permet de proposer au public les meilleurs spécialistes des arts plastiques, de la photographie, de la vidéo ou encore du design. Les collectionneurs me disent souvent qu’ils cherchent davantage d’intimité et de tranquillité avec les œuvres et les conseillers. J’avais aussi l’impression que pour gagner de nouveaux acheteurs – essentiels pour l’avenir du marché de l’art –, le moment était venu d’inventer une expérience plus moderne, en complément des magnifiques grandes foires existantes. L’idée est d’aller là où ce public se trouve, pour que cette clientèle, qui veut se sentir privilégiée et considérée, puisse profiter d’expositions de haut vol enrichies d’une belle et originale activité événementielle.
Après Gstaad, vous venez, en tant que partenaire, de clore Particolare à Vienne, en Autriche, un tout nouveau Salon à la scénographie institutionnelle, et Mira, à Paris, premier Salon en Europe à s’intéresser à l’art contemporain de l’Amérique latine. Quels sont les premiers retours ?
Ils dépendent de chaque plateforme. Pour Gstaad, les retours du public ont été enthousiastes : cela faisait sens de proposer une pareille offre à cet endroit et à ce moment de l’année. Du côté des galeries, les résultats ont été très positifs, aussi bien en termes de ventes que de consolidation de leur réseau. Les inscriptions pour l’édition 2025 sont d’ailleurs fermées depuis longtemps, c’est un signe qui ne trompe pas. De nouvelles enseignes, dont Pace [New York, Londres, Séoul, Hong Kong, Genève, Los Angeles, Tokyo], Marian Goodman [Paris, New York, Los Angeles], Jacques Lacoste [Paris], Landau Fine Art [Montréal] ou encore Capitain Petzel [Berlin], ont ainsi rejoint le Salon.
Pour Particolare, dont MAZE est partenaire, j’interviens en qualité de conseiller. Le succès a résidé dans le concept tout à fait innovant. Il s’agit d’une « collectible exhibition » [exposition d’objets de collection], où, dans un premier temps, les œuvres ont été recherchées, puis les galeries représentant les artistes liées. Du fait du nombre restreint de pièces proposées – une soixantaine –, nous avons pu mettre en place un système de « sales agents » [agents de vente] que nous sommes d’ailleurs en train de développer. Ils travaillent pour les exposants sur une période beaucoup plus longue que celle d’un salon. Imaginer qu’il suffit d’être présent pendant quatre jours avec un stand, dans une foire qui rassemble 200 enseignes, et que les affaires sont assurées n’est pas une évidence actuellement. Les foires me paraissent devoir désormais être beaucoup plus inventives en ce qui concerne leur soutien aux collectionneurs et aux marchands.
Quant à Mira, un Salon dont l’idée vient de Manuela Rayo, le point fort m’a semblé être le positionnement et le regroupement de galeristes – dont Proyectos Monclova [Mexico], Continua [San Gimignano, Paris, Rome, Pékin, La Havane, São Paulo], Albarrán Bourdais [Madrid] ou El Apartamento [La Havane, Madrid] –, passionnés par l’art latinoaméricain. Ainsi qu’une exposition marchande à laquelle ont participé des enseignes comme [les parisiennes] Mennour et Nathalie Obadia, ou encore [la glascovienne] The Modern Institute.
MAZE est non seulement organisateur de salons, mais aussi partenaire d’autres événements, comme Loop à Barcelone, Joya à Monaco ou le Domaine du Muy, dans la région de Saint-Tropez (Var). Quel rôle y jouez-vous ?
Ces événements, nouvelles initiatives ou programmes existants, présentent des valeurs communes : il s’agit d’expositions commerciales spécialisées, originales, favorisant la qualité des rapports entre exposants et collectionneurs, et affichant un commissariat plus fort ainsi qu’une activation événementielle rare. Grâce au partenariat et à leur intégration dans le calendrier MAZE, nous pouvons à la fois les partager avec un réseau plus large, accroître la communication et l’impact médiatique, enrichir la sélection de galeries ainsi que renforcer l’expérience événementielle si importante de nos jours. Cela est rendu possible grâce à des partenariats de prestige (F. P. Journe, Chanel Haute Joaillerie et Phillips Auction), mis en place avec Art Gstaad, qui souhaitent soutenir la création artistique dans des cadres d’exception.
MAZE pourrait, d’une certaine manière, s’apparenter à un groupe événementiel, dans lequel les salons sont autant de maisons et de marques qui bénéficient d’une énergie globale positive tout en gardant leur identité absolue et leur liberté d’action. Il existe bien entendu déjà des salons d’art spécialisés et ponctuels, mais il me semble qu’un tel regroupement est nouveau.
Pensez-vous pouvoir vous faire une place dans un secteur passablement saturé et où certains acteurs sont extrêmement puissants ?
J’ai un immense respect pour les grandes foires qui effectuent un travail extraordinaire depuis fort longtemps. Certaines sont incontournables pour des acteurs établis ou pour des galeries cherchant à se faire davantage connaître. Cela dit, j’ai l’impression que l’élégance et la créativité des Salons MAZE comme de ceux que nous soutenons peuvent être un véritable enrichissement à l’offre des mégaplateformes. C’est aussi une autre tendance pour les collectionneurs de vivre l’expérience de la découverte tout au long de l’année avec des périodes différenciées et conçues sur mesure. Je pense que le moment est opportun pour agir et répondre aux questionnements du marché.
Vous venez de la musique classique. Dans votre liste, aucun salon n’est pourtant consacré à cette discipline. Comptez-vous vous y intéresser ?
Bien sûr, j’aspire à créer un salon dédié au son. Pour l’instant, nous produisons une sorte de trace musicale des premiers Salons MAZE. Pour Particolare, nous avons commandé à un jeune compositeur une pièce orchestrale liée à la tradition viennoise. Lors des événements, les collectionneurs ont eu l’exclusivité d’une musique conçue pour l’occasion, tout comme ils ont eu le privilège de récitals de piano de Paloma Manfugas, avec La Valse de Maurice Ravel à Vienne et des compositions d’Alberto Ginastera à Mira. Nous souhaitons d’ailleurs investir les différents secteurs de la création, dont la gastronomie, que nous considérons comme un art. Nous organiserons ainsi en avril 2025 à Milan, pendant Miart et le Salone del Mobile, un festival d’art et de gastronomie, où une quinzaine d’artistes et de galeries collaboreront avec autant de chefs pour influencer la création culinaire et la scénographie des restaurants. C’est une façon de renforcer avec originalité les relations entre collectionneurs et enseignes. Cet événement, itinérant, se tiendra en 2026 dans une autre ville.
Pour l’instant, MAZE est surtout actif en Europe. Avez-vous le projet de vous étendre ailleurs dans le monde ?
Le développement de MAZE est naturel. Je suis basé à Genève. J’ai logiquement commencé par les lieux qui me paraissaient intéressants en Suisse, puis, progressivement, plus loin en Europe. Nous continuerons ainsi, en saisissant les opportunités qui nous semblent des évidences.