« La Terre est bleue comme une orange », chante Paul Éluard dans l’un de ses plus beaux poèmes. Écartelé entre chagrin et désir, l’amoureux éconduit – que son épouse Gala délaissera pour Salvador Dalí – est sans nul doute l’un des interprètes de l’âme humaine les plus ardents, les plus sensibles.
Les éditions Gallimard ont eu la merveilleuse idée d’offrir une carte blanche à l’artiste américaine Kiki Smith, laquelle pare de ses dessins oniriques le tout dernier titre de la collection « Grande Blanche illustrée ». Elle a choisi L’Amour la poésie (1929), qui célèbre la muse au cœur de la relation au monde. Peu de compagnonnages paraissent aussi féconds que ce face-à-face entre le fragile poète surréaliste et cette plasticienne de génie, laquelle aborde avec une rare subtilité les thèmes du corps et de la sexualité féminine, du rêve, du cosmos et de la nature.
C’est avec ravissement que le lecteur tourne les pages de ce superbe traité de poésie métamorphosé en œuvre d’art. S’y glissent des nuées d’étoiles, des oiseaux perchés sur des branches célestes, des yeux en apesanteur aux prunelles écarquillées. Celle qui fut l’invitée de l’agenda Pléiade 2024 (un collector !) enlumine de son trait délicat les vers enflammés de Paul Éluard. Une réussite totale !
Paul Éluard, L’Amour la poésie, illustré par Kiki Smith, Paris, Gallimard, 2024, 176 pages, 60 illustrations, 45 euros.