Au cours des années 1970, An Dekker, Sally Greenhill, Gerda Jäger, Liz Heron, Michael Ann Mullen, Maggie Murray, Christine Roche, Jo Spence et Julia Vellacott, certaines photographes, d’autres illustratrices et graphistes, journalistes ou éditrices, unissent leurs idées, leur énergie et leur talent pour créer un collectif féministe, les Hackney Flashers. Alors que les luttes sociales enflamment le Royaume-Uni, elles veulent documenter la condition des femmes et politiser l’esprit du public tout en donnant à leur engagement une forme novatrice. Lectrices de Roland Barthes et de l’historien d’art marxiste John Berger, mais aussi de revues de cinéma (Screen) et de magazines féministes (Spare Rib), elles conçoivent, entre 1974 et 1980, trois campagnes d’agit-prop d’une inventivité visuelle pétulante.
Pour leur premier programme, « Women and Work » (1975), les Hackney Flashers se rendent dans les entreprises, ateliers et usines du quartier défavorisé de Hackney, au nord-est de Londres, à proximité duquel elles vivent, et font le portrait de ces travailleuses souvent mal payées et déconsidérées. Quelque 160 photographies sont sélectionnées, collées sur carton, légendées et rassemblées en une exposition didactique et mobile qui peut être montée en quelques heures dans une laverie, une clinique ou une crèche. L’itinérance de « Women and Work » durera ainsi plusieurs années, tout comme celle de leur seconde exposition, « Who’s Holding the Baby ? » (1978).
Sexisme et culture de masse
Conscientes des lacunes de « Women and Work », pour le volet suivant, les Hackney Flashers se concentrent sur la maternité et ses « effets de renforcement de classe et de genre » (Camille Richert). S’inspirant de l’esthétique publicitaire, elles interrogent la représentation des mères et leur représentativité dans la société. Des photographies, toujours prises dans le quartier de Hackney, sont accompagnées de photomontages et de dessins, médiums qui favorisent une approche plus satirique et moins intrusive. Enfin, « Domestic Labour and Visual Representation » (1980), ultime proposition du groupe, est un outil pédagogique (livret et diapositives) destiné à « déceler le sexisme latent » dans la culture de masse.
Bien qu’elles se soient toujours placées du côté du militantisme populaire et non de la sphère artistique, les Hackney Flashers voient leur production susciter l’intérêt des historiens d’art et des conservateurs d’institutions majeures ces dernières années. Cet intérêt se manifeste notamment par des travaux de recherche, dont ce livre, fort documenté et efficacement maquetté, offre un exemple stimulant.
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Camille Richert, Parents Must Unite + Fight. Hackney Flashers : agitprop, travail et féminisme socialiste en Angleterre, Nevers, Tombolo Presses, 2024, 224 pages, 38 euros.