Suzanne Valadon (1865-1938) dessine dès l’enfance, mais ses origines très modestes lui interdisent d’envisager une quelconque formation artistique. Qu’importe, après avoir exercé divers petits métiers, elle devient modèle et apprend en observant Pierre Puvis de Chavannes, Jean-Jacques Henner, Henri de Toulouse-Lautrec ou Auguste Renoir au travail. Soutenue par Edgar Degas, qui loue avec enthousiasme ses qualités de dessinatrice, elle poursuit ses recherches, facilitées par l’aisance financière que lui procure alors son premier mariage. Au tournant du siècle, elle peint de plus en plus. Bientôt, les galeries exposent ses œuvres, l’État les achète, les critiques les commentent. À l’écart des principales avant-gardes qui structurent le récit de l’histoire de l’art (à l’exception peut-être de l’expressionnisme), un style organique et précis – cerne bleu, ombres colorées, expressivité, etc. – sert le regard singulier et direct porté par Suzanne Valadon sur le corps des hommes et des femmes, mais aussi sur leurs visages, le décor des intérieurs, les paysages, les bêtes et les choses.
Là où, à Metz, l’exposition s’ouvrait sur le double portrait de Suzanne Valadon et de son compagnon André Utter (Adam et Ève, 1909) – tableau novateur pour sa représentation de la nudité masculine –, le parcours commence à Paris avec deux autoportraits, l’un au pastel datant de sa jeunesse (1883), et l’autre en peintre, palette à la main (1911). À ces œuvres, dans lesquelles Suzanne Valadon affirme son individualité d’artiste, succède la très belle Chambre bleue (1923), image d’une femme toute à ses pensées, à demi allongée dans son pyjama rayé, une cigarette intacte aux lèvres. Voilà qui est clair : contrairement aux historiens d’art d’après-guerre, on ne pourra plus désormais ignorer l’esthétique franche et vive de la peintre.
De nombreux dessins
L’exposition est structurée en sections thématiques (la formation, le portrait, les natures mortes, les paysages ou encore le nu), sans oublier deux salles réservées aux arts graphiques. La manifestation parisienne est allégée, par rapport à l’édition messine, de la confrontation avec des œuvres d’artistes tels que Frédéric Bazille, Henri Matisse ou Balthus, dont la présence semblait parfois devoir légitimer les choix picturaux effectués par Suzanne Valadon. En outre, une place plus grande est donnée aux archives, pour certaines inédites, et surtout au dessin, avec des feuilles rarement exposées. Le parcours s’achève avec les remarquables tableaux de nus que sont Le Lancement du filet (1914) et, bien sûr, Adam et Ève.
« Suzanne Valadon », du 15 janvier au 26 mai 2025, Centre Pompidou, place Georges-Pompidou, 75004 Paris, centrepompidou.fr