La Foire est-elle marquée cette année par une ambition renouvelée ?
Oui. Nous arrivons dans le magnifique Grand Palais qui nous autorise d’autres déploiements. Art Paris devient la Foire vraiment française, qui offre un positionnement complémentaire au printemps.
Les galeries françaises et les artistes de la scène française y sont-ils particulièrement mis à l’honneur ?
Oui, parce que l’originalité d’Art Paris, c’est ce double positionnement régional et cosmopolite, un équilibre subtil entre le local et le global. C’est une Foire qui se concentre sur la scène française, ce qui fait justement son originalité par rapport à d’autres. Cette volonté est le fruit d’un énorme travail de valorisation. Nous invitons chaque année des commissaires, sélectionnons des artistes, publions des catalogues numériques, etc. Nous décernons le prix BNP Paribas Banque, qui récompense la carrière d’un artiste français ou travaillant en France. Sa dotation passe cette année de 30 000 à 40 000 euros, quand le lauréat du Prix Marcel-Duchamp reçoit 35 000 euros. Les artistes qui sont nommés pour ce prix sont ceux qui ont été sélectionnés par les deux commissaires cette année de « Immortelle », Amélie Adamo et Numa Hambursin. L’an dernier, Nathalie du Pasquier, choisie par Eric de Chassey, avait été la lauréate.
Vous lancez un autre prix cette année…
Oui, le prix Her Art, dédié aux artistes femmes. Mais il est beaucoup plus international, parce qu’il n’est pas du tout lié à la scène française. Il est aussi très bien doté, avec un versement de 30 000 euros. Nous le remettons en collaboration avec Marie Claire, qui a conçu une énorme campagne de communication, et Boucheron, qui apporte la dotation.
Comment ces artistes ont-elles été choisies ?
La sélection a été réalisée par Marion Vignal et moi-même sur la foire, qui compte 40 % d’artistes femmes cette année. Nous avons retenu parmi les critères le fait que l’œuvre fasse bouger les lignes, l’engagement dans la vie de l’artiste, socialement, écologiquement… Nous avons choisi douze artistes de différentes générations, d’Agnès Thurnauer et Kiki Smith à Maty Biayenda. Ce sont des artistes engagées.
Cette question de l’engagement est assez centrale dans la foire, elle est aussi au centre de la proposition de Simon Lamunière pour « Hors limites ».
C’est vrai que la sélection de ce prix Her Art rejoint totalement l’état d’esprit de la sélection de Simon Lamunière. Sur les 18 artistes qu’il a sélectionnés, 13 sont des femmes, et certaines concourent aussi pour le prix Her Art. Gillian Brett, par exemple, traite de la pollution, elle travaille avec des rebuts de la technologie, mais son travail est aussi une façon de parler des menaces sur l’environnement. Sama Alshaibi fait aussi partie de la sélection de Simon Lamunière, tout comme Zhanna Kadyrova. Le prix Her Art reflète effectivement l’engagement, comme encore pour Maty Biayenda, qui aborde l’invisibilité des communautés noires.

Grand Palais. Photo : D.R.
La particularité de la Foire est de faire appel à des commissaires d’exposition de renommées nationales et internationales, comme Marc Donadieu, qui a sélectionné les galeries du secteur Promesses.
En 2023, il avait proposé un focus sur la scène française intitulé « Art et engagement ». Son choix de galeries pour Promesses est très pointu. Ce secteur a complètement changé. Auparavant, il réunissait 9 jeunes galeries, de moins de 6 ans d’existence. Aujourd’hui, Promesses est devenu un véritable secteur, avec 25 galeries installées sur les balcons sud du Grand Palais, et la sélection est très internationale. 59 % des exposants viennent de l’étranger. 17 galeries font leur premier pas à Paris, des étrangères – comme Cuturi Gallery de Singapour ou wamono art de Hong Kong – mais aussi des françaises, comme Panis de Rouen.
Pourquoi proposer cette année un secteur consacré au French Design ?
C’est un nouveau développement qui, géographiquement, s’installe sur les balcons nord du Grand Palais. Pour ce secteur French Design, nous nous appuyons sur le VIA. Jean-Paul Bath et Sandy Saad sont les commissaires de cette section particulière, qui propose d’un côté une exposition collective, et de l’autre, dix-huit stands dévolus à des galeries, des studios de designers, d’architectes. La scénographie a été conçue par Jakob + MacFarlane. Nous ne montrons pas de vintage. Cette identité française se poursuit ici avec surtout du made in France : nous souhaitons valoriser cette création française.
Le design est également un domaine en plein essor, étroitement lié aux arts visuels.
Ce sont plutôt des objets ambigus qui ont été sélectionnés. Par exemple, la bibliothèque de Pierre Bonnefille ressemble à s’y méprendre à une sculpture. Il est intéressant de voir que ces designers s’affranchissent aujourd’hui de la fonctionnalité. De l’autre côté, des artistes contemporains s’intéressent à l’objet design.
La Foire accueille aussi des expositions organisées par des partenaires…
Le Grand Palais l’autorise par ses très grands espaces. Ainsi, sur l’Espace du paddock, promenoir sud, nous accueillons « Le chuchotement des mains », une exposition par Camille Fournet Paris. Elle rejoint ces questions d’hybridité entre art et artisanat, qui se posent aujourd’hui. C’est de plus un mécénat artistique de création qui est assez rare, en laissant une totale liberté aux artistes. Ce programme est développé depuis dix ans d’une manière confidentielle par cette marque de haute maroquinerie. Parmi les artistes figureront Fabrice Hyber, Elsa Sahal, ORLAN, Renaud Auguste-Dormeuil, Ittah Yoda… Nous sommes loin ici du luxe qui instrumentalise l’art contemporain.
Pour la première fois, nous bénéficions également de la présence du Fonds d’Art Contemporain - Paris Collections, puisque nous nouons un partenariat inédit avec la Ville de Paris. Le choix a été de montrer la peinture figurative, avec des résonances historiques. L’accrochage comprendra une quarantaine d’artistes, avec par exemple Marie Vassilief (1884-1957), et fera un bel écho à « Immortelle ».
De l’autre côté, sur le promenoir nord, prend place « NEUMA, The Forgotten Ceremony », une installation des artistes Sarah Brahim et d’Ugo Schiavi, proposée par la Villa Hegra. Après avoir dévoilé cette œuvre à AlUla en décembre 2024, ils la montrent ici à Paris. La scénographie est assez spectaculaire ! C’est une façon de parler des actions de la France à l’internationale, et surtout de cette partie du monde, à laquelle je suis particulièrement attaché. Nous avions été par exemple les premiers en Europe à proposer une plateforme saoudienne, en 2018.
Cet axe est aussi développé par la Fondation Montresso* de Marrakech.
Elle prendra place dans le secteur Promesses, parce qu’elle réunit de jeunes artistes qui y ont été en résidence.

Grand Palais. Photo : D.R.
Vous proposez aussi pour la première fois un cycle de conférences. Quel est son contenu ?
Les commissaires d’« Immortelle » ont prévu un cycle de quatre tables rondes pour justement aborder les enjeux de la peinture aujourd’hui. De nombreux artistes sont invités à s’exprimer. Nous aurons par exemple une table ronde intitulée « L’Art brut au féminin », avec Annette Messager.
D’autres nouveautés ?
Oui, nous présentons deux sculptures monumentales d’une artiste britannique, Sophie Ryder, pour la première fois sur le parvis du Grand Palais.
Pendant Art Paris, la capitale propose en parallèle un riche programme d’expositions. Art Paris participe aussi de cette effervescence…
La foire a fait le très bon choix de s’appeler Art Paris. Paris est son meilleur atout.
ART PARIS 2025, du 3 au 6 avril 2025, Grand Palais, 7 avenue Winston Churchill, 75008 Paris.