Plus de 170 galeries participeront cette semaine à la foire Expo Chicago (du 24 au 27 avril) – sa 2e édition sous l’égide de Frieze, qui l’a rachetée à l'été 2023. Les exposants viennent de 93 villes réparties dans 36 pays, reflétant la portée mondiale du nouveau propriétaire de la foire et faisant dialoguer une cohorte internationale de galeries avec son réseau de longue date d'artistes, de marchands et de collectionneurs du Midwest.
« Depuis un an et demi, nous avons pu constater les avantages du réseau mondial de Frieze, avec l'accès à des ressources et à un personnel plus importants », explique Tony Karman, président et directeur de la foire, à The Art Newspaper. Ce dernier considère que le résultat de cette acquisition n'est « que positif », ajoutant qu'elle « galvanise l'action des collectionneurs nationaux dans le Midwest et apporte un regard neuf et raffiné sur le programme de la foire ».
La foire accueille 50 nouveaux exposants cette année, dont beaucoup viennent des Amériques et d'Europe, parmi lesquels les vétérans Two Palms (New York), ILY2 (Portland), April April (Pittsburgh), Mitre (Belo Horizonte, Brésil), Megan Mulrooney (Los Angeles) et Alberta Pane (Paris et Venise).
Le signe le plus évident de la portée de plus en plus mondiale d’Expo Chicago sous l'égide de Frieze est son nouveau partenariat avec l'Association des galeries de Corée, qui finance la participation de 20 enseignes de Corée du Sud. Cette initiative est soutenue par le ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme et par le Service coréen de gestion des arts. Elle s'inscrit dans le prolongement des dialogues lancés par Frieze Seoul et la foire coréenne concomitante Kiaf. Les galeries coréennes qui se rendent à Chicago, toutes originaires de Séoul, à l'exception de Lee & Bae, basée à Busan, sont notamment la Gallery Baton, Bhak, Gana Art, Keumsan Gallery, Sun Gallery, One and J. Gallery, PYO Gallery et 313 Art Project.
Le stand de Lee & Bae au Navy Pier propose une exposition de groupe, « From Blindness to Awareness » (« De la cécité à la prise de conscience »), réunissant des œuvres de Jinwook Yeom, Hyojin Park, atelierJAK, Lee Sangmin et Janghee Jang. La Wellside Gallery, l'une des plus anciennes enseignes d'art moderne et contemporain de Séoul, met à l'honneur certains des artistes les plus connus du pays, notamment Park Seo-Bo, Lee Ufan et Yun Hyong-keun. Tony Karman rappelle que la ville possède une importante communauté coréenne et que des galeries du pays ont participé à Art Chicago, qui a précédé Expo Chicago, dans les années 1980 et 1990, ce qui prouve la pérennité de ce lien.
Fidèle aux racines du Midwest
Malgré cet afflux international, Tony Karman affirme que l'identité de la foire en tant que force régionale est un « facteur de différenciation important ». Et d’ajouter : « le local n'est pas quelque chose à fuir ».
Rhona Hoffman, marchande chevronnée de Chicago, qui fermera son espace de West Town le mois prochain pour passer à un programme plus nomade, est optimiste quant au renforcement de la foire par Frieze. « Les collectionneurs de nombreux États et d'autres pays achètent à Expo depuis des décennies, mais maintenant que Frieze est propriétaire de la foire, je pense qu'elle deviendra certainement plus internationale », dit-elle. Le stand de sa galerie présentera de nouvelles peintures de l'artiste chicagoane Amanda Williams, deux œuvres de la série de nuages (Cloud) de Spencer Finch et des œuvres de Derrick Adams et Jacob Hashimoto.

Roy Lewis, United States of America and Red, Black and Green Flag, 1977. © Roy Lewis, courtesy Gray Chicago/New York
Une autre galerie locale de premier plan, Gray (qui dispose également d'un espace à New York), revient à Expo Chicago pour la première fois depuis 2022. « Les conservateurs de musées internationaux ont fait de Chicago leur destination d'avril depuis plusieurs années, l'excellente programmation et les tables rondes de la foire étant un puissant facteur d'attraction », explique Valerie Carberry, partenaire de la galerie.
Gray est l'une des huit galeries participant à Contrast, un nouveau secteur supervisé par Lauren Hayes, conservatrice en chef de Governors Island Arts à New York. Cette section, selon Tony Karman, « met en avant les voix artistiques et suscite un dialogue autour des contrastes culturels ». Le stand de Gray présentera des photographies des artistes de Chicago Bob Crawford, mais aussi de Roy Lewis et K. Kofi Moyo qui documentent le festival panafricain Festac de 1977 à Lagos. La présentation brouillera la frontière entre la photographie documentaire et artistique, en donnant à voir des images en couleurs et en noir et blanc de cette fête qui a duré un mois.
Les Amériques convergent
Les galeries new-yorkaises représentent une grande partie des exposants n’ayant pas d’espace à Chicago, parmi lesquels Bienvenu Steinberg & C, Eric Firestone Gallery et David Nolan Gallery. La galerie brésilienne Nara Roesler, qui possède des bureaux à New York, São Paulo et Rio de Janeiro, participe pour la cinquième fois à la foire. « Le solide réseau de collectionneurs de Chicago et du Midwest, associé aux relations étroites que Tony Karman a nouées avec les institutions et les organisations culturelles locales, ne cesse de nous impressionner », confie Patrícia Pericas, directrice de Nara Roesler, qui fait également partie du comité de sélection de la foire. L’enseigne consacre son stand à deux artistes brésiliens : Sérgio Sister, un peintre septuagénaire dont les compositions audacieuses et souvent géométriques reflètent les traumatismes de la période de la dictature militaire au Brésil (1964-1985) ; et Thiago Barbalho, un artiste d'une quarantaine d'années qui utilise une approche « Pop art » extrêmement dense pour explorer l'identité.

Sérgio Sister, Untitled, 1967. Courtesy Nara Roesler
Le secteur Exposure de la foire, supervisé pour la deuxième fois par Rosario Güiraldes, conservatrice pour les arts visuels au Walker Art Center à Minneapolis, présente un fort contingent de marchands et d'artistes latino-américains parmi les stands solos et les stands accueillant deux artistes présentés par des galeries n'ayant pas plus d'une décennie d'existence. Gabriel Martinez, né à Miami, expose par exemple sur le stand de Bill Arning Exhibitions ses photogrammes multi-exposés de boules à facettes et ses impressions par contact sur négatifs papier sur la vie nocturne des homosexuels (montrés dans son exposition au Leather Archives and Museum de Chicago en 2023).
Pour les collectionneurs dont le goût se porte sur des périodes plus anciennes, Les Enluminures, un marchand de manuscrits enluminés médiévaux et de la Renaissance qui a des bureaux à Chicago, New York et Paris, participe à Expo Chicago pour la deuxième fois. « Avec la primauté de l'art contemporain sur le marché mondial de l'art, nous sommes ravis d'offrir aux visiteurs l'opportunité de découvrir quelque chose de nouveau », déclare Tomas Borchert, directeur artistique associé de la galerie. Les Enluminures exposent le manuscrit enluminé du Roman de la Rose, de Guillaume de Lorris et Jean de Meun, datant de la seconde moitié du XIVe siècle.
Tony Karman admet que le marché de l'art est confronté à des défis, qu'il s'agisse du ralentissement mondial de ces deux dernières années ou du climat général d'incertitude qui règne sur l'économie américaine, avec la multiplication des guerres commerciales et les craintes d'une récession. La perspective que Frieze change de mains plane également sur Expo Chicago. En effet, Endeavor, le conglomérat de l’industrie du divertissement qui possède la foire d'art et la société de médias, étudie depuis l'automne 2024 la possibilité de vendre Frieze. Malgré cela, Tony Karman se dit optimiste quant à son intégration au groupe Frieze, soulignant que le succès récent de Frieze Los Angeles, en février, est la preuve de la résilience du marché. « L'Expo s'adresse à des collectionneurs et à des institutions à la fois similaires et différents, dont certains sont situés au centre de l'Amérique, et représente la région à bien des égards », conclut-il.
Expo Chicago, du 24 au 27 avril 2025, Navy Pier, Chicago, États-Unis.