De son temps, Donatello, sculpteur florentin du XVe siècle, était considéré comme « le maître des maîtres », un artiste si habile dans la maîtrise des divers matériaux, si expert dans l’art de créer l’illusion du volume grâce à la sculpture la plus subtile, si habile dans la représentation de toutes les émotions humaines et si apte à comprendre et à assimiler pour ses propres œuvres les techniques artistiques de l’Antiquité que « ses innovations ont influencé les artistes pendant 150 ans, affirme Arturo Galansino, directeur général de la Fondazione Palazzo Strozzi à Florence. Michel-Ange, Raphaël, Léonard, tous ont regardé Donatello ».
Cependant, aucune exposition majeure n’a été consacrée à l’œuvre du sculpteur depuis près de 40 ans. « La Renaissance est un peu passée de mode », esquisse Arturo Galansino. Voilà qui devrait changer en mars 2022 avec la présentation d’une vaste rétrospective de l’œuvre de Donatello à Florence, au Palazzo Strozzi et au Museo Nazionale del Bargello, qui abrite la plus importante collection de pièces du sculpteur, dont son David (vers 1440), la première sculpture masculine nue en pied réalisée depuis l’Antiquité.
Des versions moins complètes de l’exposition seront présentées à la Gemäldegalerie de Berlin en septembre 2022 et au Victoria and Albert Museum à Londres en 2023. « Les expositions de Berlin et de Londres présenteront leur propre vision de l’artiste, parallèle à la nôtre, précise Arturo Galansino. Les experts qui travaillent sur ces expositions ne sont pas d’accord sur tout, notamment sur la chronologie de ses œuvres. C’est ce qui rend ce projet passionnant; il y a encore tant de choses à découvrir. »
À Florence, environ 130 œuvres seront exposées, dont des bas-reliefs réalisés par Donatello pour le baptistère de Sienne et pour la basilique Saint-Antoine de Padoue, ainsi que des statuettes dévotionnelles plus petites, des crucifix en bois peint et des reliquaires. Les prêts proviendront entre autres du Detroit Institute of Arts, du Metropolitan Museum of Art de New York, du Museum of Fine Arts de Boston, du musée du Louvre à Paris et du Kunsthistorisches Museum de Vienne. La rétrospective florentine comprendra en outre de nombreuses peintures. « Nous montrerons comment Donatello a influencé ses contemporains – Brunelleschi, Masaccio, Andrea Mantegna, Giovanni Bellini – mais aussi comment sa vision artistique s’est imposée jusqu’à l’avènement du Caravage. Cela n’était jamais arrivé auparavant », explique Arturo Galansino.
Pour Francesco Caglioti, commissaire de l’exposition de Florence, il est urgent de réévaluer l’œuvre de Donatello. « C’est un artiste exceptionnel, plus important que Giotto, Raphaël ou le Caravage, car ces trois-là ont révolutionné les traditions de leur temps. Donatello a complètement rompu avec la tradition, s’inspirant de l’art de l’Antiquité et du Moyen Âge et mêlant toutes ces influences avec sa propre vision pour créer un langage artistique entièrement nouveau », affirme-t-il.
« DONATELLO A COMPLÈTEMENT ROMPU AVEC LATRADITION POUR CRÉER UN LANGAGE ARTISTIQUE ENTIÈREMENTNOUVEAU »
« Il a compris mieux que ses contemporains que la sculpture est une forme d’art statique. Il a essayé toutes les techniques imaginables pour l’animer. Regardez son David en bronze. Aujourd’hui, il est exposé juste au-dessus du niveau des yeux, ce qui donne l’impression d’un garçon penaud regardant ses propres pieds », explique Francesco Caglioti. Mais l’œuvre a été conçue pour être placée au sommet d’une haute colonne et, vu d’en bas, le regard de David est « transformé en attitude triomphante d’un héros contemplant le public florentin. Je n’ai jamais beaucoup aimé cette sculpture jusqu’à ce que je comprenne que ses distorsions étaient délibérées, jusqu’à ce que je la regarde comme elle devait être vue, d’en bas. »
Francesco Caglioti espère que dans l’exposition le David sera présenté comme Donatello le voulait, au sommet d’une colonne. Selon le commissaire, un autre défi majeur reste à relever pour faire évoluer la perception de l’artiste par le public. En effet, selon lui, nombre de ses sculptures ont été photographiées sous le mauvais angle et apparaissent donc complètement déformées dans les manuels d’histoire de l’art. Ainsi, sa célèbre statue équestre du condottière italien Gattamelata (1453), à Padoue, est toujours reproduite de profil. « Mais Donatello l’a conçue pour être vue de face. Toute son œuvre doit être à nouveau photographiée et redécouverte », conclut le commissaire.
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« Donatello : la Renaissance »
Du 19 mars au 31 juillet 2022, Palazzo Strozzi et Museo Nazionale del Bargello, Florence. Du 2 septembre 2022 au 8 janvier 2023, Gemäldegalerie, Berlin. Dates à préciser (2023), Victoria and Albert Museum, Londres.