C’est un manuscrit à la couverture de cuir. Les pages semblent fragiles mais sont pourtant dans un état presque parfait. Les lettres qui les recouvrent ont été écrites il y a près de mille ans, entre la fin du IXe et le début du Xe siècles. Le scribe massorète qui a les rédigées n’imaginait sans doute pas laisser à la postérité la plus ancienne bible hébraïque connue, le texte fondateur des trois religions monothéistes.
Ce livre manuscrit, ou codex, se compose de 24 livres divisés en trois parties : le Pentateuque, les Prophètes et les Écrits. Pour ainsi dire complet, il ne lui manque que douze feuilles, soit les tout premiers chapitres de la Genèse. Son importance historique est considérable : il fait partie des exemplaires qui ont mis fin à la transmission orale des textes sacrés hébraïques qui a prévalu pendant près de 700 ans, à partir du Ier siècle après J.-C. Ce texte standardisé se veut aussi, et c’est une première, didactique : il comporte voyelles et accents pour que le lecteur puisse prononcer correctement les phrases et que leur sens soit interprété de la façon la plus fine.
Le manuscrit Sassoon n’est pas à proprement parler le plus ancien codex - celui d’Alep est antérieur mais un tiers de ses pages ont été détruites en 1947, dont la plus grande partie de la Torah. Il existe aussi un codex complet, celui dit de Leningrad, conservé à la Bibliothèque nationale de Russie à Saint-Pétersbourg, mais il a été recopié en 1008 de notre ère.
Grâce aux annotations et aux commentaires qui ont été apposés par ses différents propriétaires, on peut suivre la trace du manuscrit jusqu’au XIIIe siècle, quand il disparaît en Syrie après la destruction de la synagogue de Makisin à laquelle il était destiné. En 1929, à Francfort, le bibliophile David Solomon Sassoon, connu pour avoir pisté un à un les manuscrits hébraïques, le redécouvre lors d’une vente aux enchères et s’en porte acquéreur. Le codex prend alors son nom, et continue son voyage entre les mains de plusieurs collectionneurs pour finir dans la bibliothèque de l’investisseur suisse Jacqui Eli Safra, qui s’en sépare aujourd’hui chez Sotheby’s. Estimé entre 30 et 50 millions de dollars (28 à 46 millions d’euros), il pourrait devenir le document le plus cher jamais vendu aux enchères, devant le codex de Léonard de Vinci (29 millions d’euros) et la première impression de la Constitution américaine (40,5 millions d’euros).
Peu connu du public qui n’aura pu la voir qu’une seule fois, au British Museum, en 1982, le codex sera exposé préalablement à Tel Aviv, Dallas et Los Angeles, avant d’être vendu chez Sotheby’s à New York.