L’artiste qui ne mange pas à sa faim appartient peut-être au passé, mais être récipiendaire d’un prix important généreusement doté aide sans conteste à poursuivre sa pratique. C’est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit du Prix Sobey pour les arts (Sobey Art Award), la plus haute distinction canadienne dans le domaine des arts visuels, qui attribue 100 000 dollars canadiens (près de 66 572 euros) au lauréat. Brian Jungen en a été le premier récipiendaire en 2002. La personne lauréate 2023, annoncée lors d’une cérémonie qui s’est tenue le 18 novembre au Musée des beaux-arts du Canada (MBAC) à Ottawa, est l’artiste multidisciplinaire inuvialuk Kablusiak.
Chaque année, un artiste de chacune des cinq régions canadiennes est nommé pour le prix. Kablusiak était l’artiste présélectionnée de la région des Prairies et du Nord. Iel est née à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest, a grandi à Edmonton et vit aujourd’hui à Calgary.
C’est la troisième année consécutive que l’artiste présélectionné de la région des Prairies et du Nord remporte le prix, après Divya Mehra, lauréate en 2022, et Laakkuluk Williamson Bathory, lauréat en 2021. Les deux précédents étaient présents lors de l’annonce. Divya Mehra est montée sur scène pour dévoiler le nom du lauréat de 2023. « J’ai l’impression qu’il s’agit d’un joyau secret et caché, a déclaré Kablusiak à propos de ce territoire. C’est une région du monde extraordinaire à habiter. »
Les autres finalistes de cette année étaient Séamus Gallagher (représentant le Canada atlantique), Anahita Norouzi (Québec), Michèle Pearson Clarke (Ontario) et Gabrielle L’Hirondelle Hill (côte ouest et Yukon). Chacun d’entre eux reçoit 25 000 dollars canadiens (16 645 euros). Les œuvres des cinq finalistes seront exposées au MBAC jusqu’au 3 mars 2024.
« L’étendue des pratiques de cette année reflète la richesse et la vigueur du paysage artistique contemporain dans ce pays », a déclaré Jonathan Shaughnessy, directeur des initiatives curatoriales du MBAC et président du jury du Prix Sobey pour les arts 2023. Les jeunes artistes – Kablusiak est née en 1993 et a été sélectionnée pour la première fois en 2019 – continuent de dominer le prix, qui n’a été ouvert aux artistes de tous âges qu’en 2021, en réponse à la pandémie.
« Le jury du Prix Sobey pour les arts 2023 a été interpellé par la pratique audacieuse et sans complaisance de Kablusiak, qui remet en question les anciennes catégories et les histoires de l’art, et ouvre la voie à de nouveaux imaginaires, a déclaré Jonathan Shaughnessy. Son vocabulaire multidisciplinaire donne le sentiment d’être regardé sans être vu, ce qui marque les réalités inuites et queer à la fois dans le monde de l’art et dans la société en général. »
Kablusiak invoque les traditions et les approches inuites pour créer des œuvres dans une gamme de supports allant de la lingerie et de la peau de phoque à la pierre à savon et à la photographie. « J’aime travailler avec des matériaux qui ont une certaine histoire visuelle », affirme-t-iel, avant d’ajouter : « J’aimerais faire quelque chose en bronze ».
Lorsqu’on lui a demandé plus tôt ce que signifierait être lauréat de ce prix, Kablusiak a répondu : « Gagner le prix serait un rêve. Le fait d’être entouré de pairs aussi extraordinaires est déjà une victoire pour moi. Le soutien apporté par la Fondation Sobey et le Musée des beaux-arts est considérable, et c’est fait avec tant de soin. Cette opportunité me permet de rencontrer tant d’artistes extraordinaires et m’ouvre des portes vers de nouvelles voies ; j’en suis reconnaissant à chaque instant. » Lors de la remise du prix, l’artiste s’est montrée beaucoup plus bref. Iel a déclaré : « C’est incroyable, très surréel ».
L’artiste Simon Brascoupé, membre de la Première Nation Kitigan Zibi Anishnabeg de Maniwaki, au Québec, vivant en territoire algonquin à Ottawa, Jean-François Bélisle, récemment nommé directeur du MBAC, Rob Sobey, président de la Sobey Art Foundation, et Bernard Doucet, directeur général de la fondation, se sont joints à Jonathan Shaughnessy lors de la cérémonie de remise du prix. La gouverneure générale du Canada, Mary Simon, était également présente.