C’est un petit chemin… aux accents initiatiques, un petit chemin qui prend la forme d’une marelle ou d’un jeu de l’oie. Comme elle en a l’habitude, une fois par an, Pascale Samuel, conservatrice de la collection d’art moderne et contemporain au musée d’Art et d’Histoire du judaïsme (mahJ), a invité Jérôme Zonder à penser une exposition pour ce lieu – les projets qu’elle y mène sont toujours de longue haleine, celui-ci ayant commencé il y a trois ans. En offrant au dessin une troisième dimension, Jérôme Zonder donne l’allure d’une chapelle à l’espace à la fois vaste et intime des anciennes écuries, dans lequel se tient l’exposition.
LA VIRTUOSITÉ DU DESSIN
Le sol est recouvert d’un immense dessin : un tapis de jeu composé de dix-huit cases. Comme le précise Pascale Samuel, un remarquable jeu de l’oie illustré par des scènes de l’affaire Dreyfus est conservé dans le fonds du mahJ. Au fil des images, un petit hamster progresse dans la vie, de l’enfance au grand âge. Il tourne dans sa cage et dans la vanité de l’existence. Son adolescence, ses amours, ses enfants et son travail se succèdent dans un rapport étroit entre texte et image. C’est la première fois que Jérôme Zonder révèle son écriture vive et concise dans une exposition. Au bout de ce parcours, un immense incendie. Un carré noir est accroché au mur. Il fait venir à l’esprit l’œuvre de Christian Boltanski.
Sur le côté se déploie une grande fresque dessinée, constituée de plusieurs panneaux de bois découpés comme des ombres chinoises. Ces fragments ont été montrés en 2023, sous une forme différente, dans une exposition au Casino Luxembourg *1. Pierre-François, l’avatar de Jérôme Zonder, présent dans son œuvre depuis une dizaine d’années, et baptisé ainsi en référence au personnage historique d’escroc et écrivain Pierre-François Lacenaire – joué par Marcel Herrand dans le film Les Enfants du paradis (1945) de Marcel Carné –, apparaît discrètement dans cette installation en all over qui prend la forme d’une danse macabre médiévale. Des images de presse mêlées à des dessins tirés de mangas et autres bandes dessinées ont servi de modèle à ces compositions, avant d’être recouvertes, fragmentées, rendues presque indéchiffrables, hormis l’atmosphère de tragédie qu’elles dégagent. Des toiles ont été collées sur le contreplaqué. Lorsqu’on s’en approche, le regard se perd dans la matière et la virtuosité du dessin. Depuis plusieurs années, la critique d’art Catherine Francblin travaillait également à un livre sur l’œuvre dessiné de Jérôme Zonder au cours des dix dernières années. Il vient de paraître aux éditions United Dead Artists *2, magistrale archive, image de mémoire.
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*1 « Jérôme Zonder. Joyeuse Apocalypse ! », 7 octobre 2023-7 janvier 2024, Casino Luxembourg – Forum d’art contemporain, Luxembourg.
*2 Catherine Francblin, Jérôme Zonder. Dessins 2013-2023, Paris, United Dead Artists, 2024, 624 pages, 45 euros.
« Jérôme Zonder. C’est un petit chemin », 1er juin-27 octobre 2024, musée d’Art et d’Histoire du judaïsme, hôtel de Saint-Aignan, 71, rue du Temple, 75003 Paris.