La création afro-américaine est à l’honneur à Paris. Le lendemain de l’inauguration très courue de l’exposition « Paris noir » au Centre Pompidou, la fête battait à nouveau son plein mercredi 19 mars au soir pour le vernissage de l’exposition collective « FEMMES » à la galerie Perrotin. Cette dernière réunit les œuvres d’une quarantaine de femmes artistes d’ascendance africaine.
Pharrell Williams, son commissaire, rappeur star et directeur artistique de Louis Vuitton Homme, désormais installé à Paris, a choisi pour cette nouvelle collaboration avec Emmanuel Perrotin de mettre en lumière des créatrices contemporaines dans un accrochage très réussi, occupant tous les espaces de l’hôtel particulier du Marais. Amis à la ville, Emmanuel Perrotin et Pharrell Williams se connaissent de longue date et n’en sont pas à leur première aventure commune.
« Ma relation avec Pharrell a commencé à Miami, où nous nous sommes rencontrés en 2007 lors d’une soirée. Nous avons immédiatement décidé de travailler ensemble, se souvient le galeriste. Nous avons précédemment fait plusieurs expositions : la première de design, "Perspectives" en 2008 ; "G I R L" en 2014 – inspirée par l’album éponyme de Pharrell –, et la carte blanche donnée à l’artiste japonais Mr. au musée Guimet, en 2019. Nous nous aimons bien, cela facilite les choses. Monter une exposition collective telle que "FEMMES" a bien sûr été plus facile avec Pharrell, qui rend les choses plus rapides et plus grandes. Le monde de l’art a besoin de cette énergie. En préparant cette exposition à la galerie, nous ne savions pas que "Paris noir" ouvrait concomitamment au Centre Pompidou, anglée sur la communauté noire à Paris après la Seconde Guerre mondiale, jusqu’aux années 1990. Nous regrettons toujours ce que nous n’avons pas fait dans le passé, tous ces artistes qui n’ont pas pu être exposés et que nous célébrons aujourd’hui. Or, l’exposition à la galerie a lieu maintenant, avec des artistes contemporains. C’est un bon complément à celle de Beaubourg, et aussi à l’exposition "Corps et âmes" à la Bourse de Commerce-Pinault Collection. C’est formidable d’avoir ces expositions en même temps à Paris. »

Pharrell Williams, commissaire de l'exposition « FEMMES », Emmanuel Perrotin et les artistes lors du vernissage à la galerie, le 19 mars 2025. © Photo : Tanguy Beurdeley / Courtesy Perrotin
Œuvres textiles, peintures, photos, vidéos, sculptures, esthétique pop : le parcours de « FEMMES » rassemble des figures tutélaires telles que Betye Saar et Carrie Mae Weems, Seyni Awa Camara et Dr Esther Mahlangu, aux côtés de créatrices plus jeunes, établies ou émergentes – Kapwani Kiwanga, Joana Choumali, Zanele Muholi, Mickalene Thomas, Leslie Hewitt, Gaëlle Choisne, Tschabalala Self, Nina Chanel Abney…

Vue de l'exposition « FEMMES », commissaire Pharrell Williams, à la galerie Perrotin, Paris, 2025. Photo : Claire Dorn. Courtesy des artistes et Perrotin. © ADAGP, Paris, 2025
Pour Pharrell Williams, invité à échanger avec Emmanuel Perrotin lors d'une conversation modérée par la commissaire indépendante Louise Thurin avant le vernissage, « cette exposition répond à une volonté de mettre en lumière ces œuvres et leurs créatrices, de contribuer à leur reconnaissance à leur juste valeur ». « Je pense que, compte tenu de la position qui est la mienne, c’est ce que je suis censé faire, confiait-il. C’est ma façon de rendre la pareille aux autres en leur permettant de s’exprimer. C’est, là encore, un projet qui me permet d’être créatif, mais au lieu de le faire avec mes propres facultés mentales, je le suis avec une idée, une plateforme ; tout cela est une installation en soi. »
Carrie Mae Weems, Nina, 2009-2025, tirage pigmentaire d'archives. Photo : David Regen. © Carrie Mae Weems. Courtesy de l'artiste et Gladstone Gallery (New York), Fraenkel Gallery (San Francisco) et Galerie Barbara Thumm (Berlin)
Et le commissaire d’ajouter : « G I R L a d’abord été le titre d’un album, avant d’inspirer une exposition. Pour moi, il s’agissait de faire le point sur ma relation avec les femmes. Cela a commencé par une chanson, puis j’ai grandi et j’ai vraiment voulu rétablir ma relation avec ce mot. Passé 40 ans, je me suis dit que le sujet n’était plus ce que les femmes pouvaient faire pour moi, mais ce qu’elles faisaient pour l’humanité. Les femmes apportent la vie dans ce monde. Elles peuvent être chirurgiennes, pianistes de concert, mais elles portent aussi la vie dans leur ventre, elles sont la condition de l’existence. Prendre conscience de cela m’a changé, il m’a fallu dix ans pour le comprendre. "FEMMES" résulte de cette prise de conscience. Maintenant, je dis femme (en français), et non plus girl ! J’ai voulu créer cette plateforme pour que cette expression prenne forme. C’est ce que nous voulons : aller de l’avant et ne pas revenir en arrière. C’est le rêve, et le rêve devient réalité. La création noire, en particulier les œuvres des femmes artistes, n’est pas célébrée comme elle devrait l’être. C’est un début et cette célébration va grandir. Nous voyons l’empathie que les gens accordent à cette petite graine que nous plantons aujourd’hui. J’espère que cela deviendra un mouvement. Nous y participons et nous espérons que vous le suivrez et qu’il fera le tour du monde. »

Vue de l'exposition « FEMMES », commissaire Pharrell Williams, à la galerie Perrotin, Paris, 2025. Photo : Claire Dorn. Courtesy des artistes et Perrotin. © ADAGP, Paris, 2025
De fait, à peine inaugurée, « FEMMES » suscite l’engouement : « Nous avons déjà reçu des demandes d’autres galeries pour que l’exposition voyage, et trois musées nous ont proposé de l’accueillir, se félicite Emmanuel Perrotin. Je tiens à remercier tous les artistes qui ont souhaité y participer et la quinzaine de galeries qui ont accepté de montrer leurs artistes dans cette exposition collective. Soudain, Perrotin n’était plus un concurrent ; comme c’est Pharrell, tout le monde voulait participer à l’exposition ! » Un état d’esprit… Happy !
« FEMMES », commissaire Pharrell Williams, du 20 mars au 19 avril 2025, Galerie Perrotin, 76 rue de Turenne, 75003 Paris.