Chantal Joffe : The Dog’s Birthday
Chantal Joffe dit qu’elle a beaucoup pensé à Paris et à Vuillard en travaillant à sa nouvelle exposition. Les tableaux de petits formats qu’elle a exécutés et qui forment comme une séquence concilient l’influence du Vuillard des intérieurs avec celle du portrait pris avec un iPhone. Des instantanés, scènes intimes, selfies ou photo souvenirs prennent en quelque sorte vie par des traits rapides et allusifs, sans repentir. Pour peindre quelques anniversaires, dont celui du chien, le pinceau trouve et crée des correspondances entre chevelures, poils et décorations de crème au beurre. Chantal Joffe livre quelques portraits d’un homme nu, pas vraiment un éphèbe, le compagnon sans doute, occupé à repasser ou bien dans sa baignoire. Cette inversion tendre de la relation peintre et modèle, ce renouvellement du nu académique sont une autre façon de réfléchir aux nouvelles alliances qui peuvent se nouer entre peinture et photographie.
S’inspirant de la pratique généralisée du mitraillage, favorisée par le numérique, mais aussi du sérialisme de l’art conceptuel, l’artiste a peint sept autoportraits qui la montrent au lit absorbée dans la lecture d’un des volumes de La Recherche de Marcel Proust. Affichant ainsi ses lectures, elle s’adresse à nous en faisant un clin d’œil aux réseaux sociaux, mais, plus profondément, elle restitue une expérience de lecture. C’est par le corps, ses contorsions et jusqu’à sa disparition sous la couette, qu’elle rend compte de la façon dont le texte de Proust agit sur elle.
Du 3 avril au 31 mai 2025, Skarstedt, 2, avenue Matignon, 75008 Paris

Vue de l’exposition « Katherine Bradford & Chris Martin : Saturn Swimmers » chez Brigitte Mulholland, Paris. Photo : Sean Fader
Katherine Bradford & Chris Martin : Saturn Swimmers
Katherine Bradford et Chris Martin sont amis et s’admirent depuis les années 1980, alors qu’ils occupaient chacun un atelier dans le quartier de Williamsburg, à Brooklyn. C’est la première fois qu’ils exposent ensemble, mais la sélection des œuvres et les choix d’accrochage font que leur entente saute aux yeux. Avec un accent particulier mis pour elle sur ses nageurs et, pour lui, sur ses paysages cosmiques, le titre « Saturn Swimmers » scelle une réunion dominée par la joie plutôt que par la mélancolie. Qu’elles soient rassemblées autour d’une piscine ou qu’elles tournent tels des satellites autour d’un paquebot, les figures de Katherine Bradford s’élèvent toujours au-dessus de la réalité. Une piscine est chez elle un tableau dans le tableau et une ouverture vers l’infini. Chris Martin voue depuis toujours un culte au peintre californien Alfred Jensen et à quelques prépsychédéliques de l’art. Il peint de façon insatiable, variant les styles, célébrant l’astre solaire ou le mouvement des planètes auquel se joint parfois un disque de vinyle culte. Les deux peintres qu’unit un sens de la communauté, mettent en évidence des points de passage entre leurs créations. Cette réunion d’œuvres fait une riche parade où les baigneurs grimpent au ciel et des manchots revisitent la Highway 61.
Du 4 avril au 10 mai 2025, Brigitte Mulholland, 81, rue de Turenne, 75003 Paris

Vue de l’exposition « Angelica Mesiti : Acoustic Light » à la Galerie Allen, Paris. Photo : Aurélien Mole
Angelica Mesiti : Acoustic Light
Depuis septembre 2024 et jusqu’à mai prochain, Angelica Mesiti présente à la Art Gallery of New South Wales, à Sydney (Australie), The Rites of When. Il s’agit d’une installation immersive qui diffuse sur sept grands écrans verticaux un film d’une trentaine de minutes. Ce dernier s’articule en deux mouvements correspondants aux deux solstices, un voyage initié à partir des pléiades qui nous fait traverser la terre et s’achève par la vision de champs de blé en feu. Les scènes de nature sont entrecoupées de rites et de danses rituelles. À partir de stills pris au début et au milieu du film, Angelica Mesiti a fait réaliser des impressions sur verre qui font la matière d’« Acoustic Light ». Les plaques de verre, au sol ou sur des barres d’acier en hauteur, sont superposées et appuyées par deux ou trois contre le mur. Les différences de formats entre les plaques, ou simplement leur décalage, créent des effets de mouvement et des variations de lumière. Les cercles bleus ou rouges qui entourent un noyau de lumière nous rappellent tout un courant spirituel qui irrigue l’abstraction depuis Hilma af Klint jusqu’aux films de Jordan Belson ou de James Whitney. Mais, ce noyau de lumière est aussi le double du projecteur de cinéma et la superposition de ces plaques photographiques joue comme une forme de reprise de la lanterne magique. La vision de champs de blé en arrière-plan nous permet de saisir l’esprit de The Rites of When. Angelica Mesiti refait son propre chemin vers l’abstraction à partir de son univers filmique.
Du 15 mars au 19 avril 2025, Galerie Allen, 6 passage Sainte-Avoye, 75003 Paris

Vue de l’exposition « Louidgi Beltrame : Fragata magnífica, magnífica fragata » chez Jousse Entreprise, Paris. Photo : Max Borderie
Louidgi Beltrame : Fragata magnífica, magnífica fragata
Depuis 2012, Louidgi Beltrame entretient une relation profonde avec le Pérou. Attiré là par les traces de la civilisation Nazca, il s’est engagé dans une aventure filmique avec un chamane (El Brujo, 2016), puis il a, l’année dernière, construit son exposition au Crédac, à Ivry-sur-Seine, autour des huaqueros. Ces derniers sont des fouilleurs de tombes qui vivent de la revente de céramiques rituelles précolombiennes. « Fragata magnífica, magnífica fragata » revient sur un certain nombre de ces aventures en territoire péruvien, bien que le titre se réfère à une double vidéo qui montre le vol ininterrompu des frégates dans le ciel de Rio. Les trois autres films de l’exposition témoignent de la façon dont Louidgi Beltrame croise l’expérimental, le documentaire et une part d’anthropologie. Dans Rose moderne, il filme les ruines du Palais inca de Puruchuco en super-8 comme une architecture moderniste, comme un très léger mouvement vers la fiction et un rappel des premiers sujets d’investigation du cinéaste. Dans Huancor, des images de pétroglyphes et leur description visent à un effet poétique, tandis que Pakatnamu, prémonition, fait franchir à Beltrame un autre pas puisqu’il témoigne d’une expérience personnelle marquante. Alors qu’il tournait sur le site de Pakatnamu, sa caméra super-8 s’est trouvée à plusieurs reprises enrayée, provoquant des sautes d’images. Convaincu par le chamane qu’une offrande était nécessaire pour écarter le maléfice, il est revenu tourner sur les lieux pour s’acquitter de sa dette. Le film est un montage des deux tournages dans un double geste de reconnaissance, qui fait sortir le cinéaste de sa position de témoin.
Du 22 mars au 26 avril 2025, Jousse Entreprise, 6, rue Saint-Claude, 75003 Paris