Daniel Buren, Fabrice Hyber, Félicie d’Estienne d’Orves, Michelangelo Pistoletto, Laurent Grasso, Tatiana Trouvé, Stéphane Thidet, Hicham Berrada, Ange Leccia, Abdelkader Benchamma… Tous ont répondu à l’appel du Grand Paris Express, et vont installer leurs ateliers à Arcueil, Champigny-sur-Marne, Aulnay-sous-Bois ou Sevran-Beaudottes. Soixante-huit gares au total doivent voir le jour d’ici 2030 aux abords de Paris, dans le plus grand projet actuel de transport d’Europe. Comme tout plan d’urbanisme, ce chantier titanesque est aussi un pari artistique et culturel, et c’est à José-Manuel Gonçalvès, directeur du Centquatre-Paris, qu’est revenue la charge délicate d’allier les arts au nouveau réseau francilien. Avec Pierre-Emmanuel Becherand, directeur du Fonds de dotation du Grand Paris Express, il doit piloter un programme à double temporalité. « Il y a le temps du chantier et le temps des gares, qui doivent aboutir d’ici 2024, pour les Jeux Olympiques, et jusqu’en 2030. Dans les deux cas, l’idée est de placer les artistes et la création au cœur des événements », nous a déclaré José-Manuel Gonçalvès. Pour quel coût ? La Société du Grand Paris a décidé de consacrer « un pour mille » de son budget total à l’art et à la culture, soit 32 millions d’euros, dont 16 millions d’ici 2024.
LE PROJET PHARE DU PROGRAMME, BAPTISÉ «TANDEM », ASSOCIE UN ARTISTE ET UN ARCHITECTE
Le projet phare du programme, le plus attendu, a été baptisé « Tandem ». Il associe pour chacune des gares un architecte et un artiste travaillant en connivence. « Aucun projet ne démarre s’il n’y a pas eu de rencontre entre l’artiste et l’architecte, insiste José-Manuel Gonçalvès. La manière de travailler, d’établir une relation, est aussi importante que le résultat ». Si Hector Guimard a marqué du sceau de l’Art nouveau le métro parisien, les gares du Grand Paris auront, elles, chacune leur signature propre. « Nous avons fait en sorte que le programme soit complètement hétérogène et qu’il recoupe aussi des questions de société : représentation d’artistes internationaux, diversité des genres artistiques, équilibre homme-femme…, explique José-Manuel Gonçalvès. Entre Michelangelo Pistoletto et Ryoji Ikeda par exemple, il y a deux voire trois générations d’écart, avec des vocabulaires extrêmement différents ».
Sur trente-six duos, 50 % d’artistes internationaux sont attendus et 20 % de moins de 35 ans. Les derniers tandems, annoncés jeudi, associent Abdelkader Benchamma et Frédéric Neau, Studio Nonotak et Franklin Azzi, Félicie d’Estienne d’Orves et Dietmar Feichtinger, JR et Benedetta Tagliabue, Eva Jospin et Jean-Paul Viguier, Eduardo Kobra et Thomas Richez, Daniel Buren et Jean-Marie Duthilleul, ce dernier étant également en duo avec Fabrice Hyber sur une autre gare. « L’idée est aussi de créer un réseau d’œuvres dans des gares que les gens vont pouvoir visiter facilement », ajoute José-Manuel Gonçalvès. Les stations seront ainsi distantes de deux minutes et demie, « le temps de traverser une grande salle du Louvre », ajoute le designer Patrick Jouin, qui signera le mobilier des futures gares, en collaboration avec Ruedi Baur pour la signalétique.
Le réseau tentaculaire du Grand Paris Express ne va pas attendre que les gares sortent de terre pour accueillir les artistes. L’initiative « Chantiers partagés » propose actuellement des résidences à des créateurs de toutes les disciplines pour monter des projets avec les habitants, du design d’objet à Champigny-sur-Marne au défilé de mode à Aulnay-sous-Bois. Des œuvres dites « nomades », de Vivien Roubaud, Alain Bublex ou Pablo Valbuena, circulent de chantier en chantier. Les créations en réalité virtuelle sont aussi de la partie, avec les bornes « numériscopes », qui permettent une immersion dans des œuvres numériques interprétant le futur métro. Des « fêtes de chantier » effacent enfin les hautes palissades en invitant les habitants à des concerts et à des performances, à l’emplacement de leur future gare. Une manière de faire oublier les désagréments des travaux ? Le dernier rendez-vous festif, organisé en février à Villejuif, a rassemblé plus de 6 000 personnes.