Selon un nouveau rapport qui vient d’être publié, l’Allemagne occupe la première place par le nombre de musées privés d’art contemporain, devançant de peu les États-Unis.
Ce rapport a été réalisé par Christoph Noe, fondateur de la société de données sur les collectionneurs d’art Larry’s List, qui travaille avec une équipe de chercheurs, parmi lesquels Jamie Bennett, basé à Hongkong, et Olav Velthuis, de l’université d’Amsterdam.
Une croissance explosive
Le nombre de musées répertoriés a augmenté, passant de 317 dans le précédent rapport datant de 2016 à 446 cette année. Le classement a également changé : en 2016, la Corée du Sud était numéro un, tandis que l’Allemagne n’arrivait qu’en troisième position. Cette fois-ci, cinq pays dominent la liste : L’Allemagne (60), les États-Unis (59), la Corée du Sud (50), la Chine en incluant Hongkong (30) et l’Italie (30). Ces pays abritent la moitié des musées privés du monde – pas nécessairement les plus grands, mais leur nombre dépasse celui des 54 autres pays de la liste.
Selon Christoph Noe, les collectionneurs de ces cinq pays sont plus disposés à vouloir rendre leurs collections physiquement accessibles au public, parfois en disposant seulement d’un espace aménagé dans un appartement. « En revanche, en Chine et en Corée du Sud, nous voyons des musées assez conséquents », précise-t-il.
L’Asie, inévitablement, occupe une place de plus en plus importante dans ce paysage. Le rapport s’intéresse de près à la Corée du Sud, et notamment à sa capitale, Séoul, la ville qui compte le plus grand nombre de musées d’art privés au monde. Comment l’expliquer ? Selon Christoph Noe, « c’est à Séoul que le marché de l’art a vu le jour en Corée du Sud et que des musées d’art ont été ouverts pour la première fois ; et la présence des entreprises y est forte ». « Les Millénials [nés entre 1981 et 1996] et la génération Z [1997-2012] représentent plus d’un tiers de la population de Séoul, poursuit-il. Les musées redoublent d’efforts pour attirer les jeunes amateurs d’art. »
Autre point étonnant : selon le rapport, 82 % de l’ensemble des musées privés d’art contemporain existants ont été fondés depuis 2000, et 152 l’ont été au cours de la seule dernière décennie.
Émulation
« Il est évident qu’ouvrir son propre musée nécessite d’avoir des ressources – il faut disposer d’une collection, d’argent et d’un espace, explique Christoph Noe. Mais il s’agit bien d’une tendance. Les nouveaux venus observent ce que font les autres et les imitent. Avoir son propre musée est le symbole du statut le plus élevé possible, mais il ne s’agit pas seulement de vanité, il s’agit aussi de partager sa collection avec d’autres. » Et d’ajouter : « L’accès aux artistes et aux œuvres d’art les plus recherchés est également facilité s’ils sont exposés dans votre propre musée ». Enfin, fait-il observer, « les fondateurs de musées sont conscients de la nécessité d’entretenir et de protéger la culture, comblant ainsi le vide laissé par l’absence d’institutions publiques, et ils disposent des ressources nécessaires pour le faire. Au cours des dernières années, les collectionneurs privés ont donc développé une plus large ouverture au public. »
Inévitablement, ces chiffres sont mouvants – la définition même du musée privé relève de multiples réalités – mais Christoph Noe affirme que son équipe a amélioré la fiabilité de ses données et sa méthodologie depuis le premier rapport, ce qui influe en partie sur ses conclusions.
Christoph Noe est enthousiaste quant à l’effet de tous ces nouveaux musées sur le marché de l’art. « La croissance du nombre de musées est une bonne nouvelle à 100 %, affirme-t-il. Tous ces musées privés sont une source d’inspiration au niveau mondial, ils jouent un rôle essentiel en offrant aux artistes une plus grande visibilité. » Surtout à « une époque où le soutien des gouvernements aux musées publics n’augmente pas, affirme-t-il diplomatiquement, ils offrent de magnifiques vitrines pour l’art contemporain » – ce dont le conseiller artistique qu’il est par ailleurs ne peut que se féliciter.
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Georgina Adam est l’auteure de The Rise and Rise of the Private Art Museum (éd. Lund Humphries, 2021).