Il ne se passe rien en dehors de la grande histoire que les oiseaux écrivent dans le ciel. Tels sont les mots qui viennent à l’esprit à la découverte du parcours de la 3e édition de la Biennale de Saint-Paul de Vence (BIS), dûment intitulée « Au hasard des oiseaux ». Empruntant à la prose de Jacques Prévert – amoureux des oiseaux et de Saint-Paul –, ce titre souligne l’attachement à une dimension poétique, porteuse de sens et d’éclairage sur le monde contemporain. Cette approche symbolique, opérée par la figure ornithologique, élargit la portée de la vingtaine d’œuvres présentées, réalisées par douze artistes d’origines et de générations variées. Le parcours s’effectue en grande partie à ciel ouvert, au cœur de ce célèbre village perché sur une colline, dominant la campagne et la mer. Surtout, il permet de saisir tout l’imaginaire autour du vivant et de ses préoccupations écologiques et, de ce point de vue, la démonstration des deux commissaires, Ludovic Delalande et Claire Staebler, respectivement curateur à la Fondation Louis Vuitton à Paris et directrice du FRAC des Pays de la Loire à Carquefou, s’avère particulièrement éclairante. Elle prend la forme d’un parcours construit autour de correspondances où les œuvres jouent de tensions et de rapprochements. Suggérant de subtils écarts tout comme de profonds échos, elles révèlent la part de liberté attachée aux oiseaux.
Ces œuvres, dont certaines produites pour l’occasion, se déploient ainsi le temps de l’été dans cet écrin protégé presque entièrement piétonnier, se déployant au gré de chapelle, de rues, de remparts, d’arbres et de clocher. Car ici le parcours invite à la déambulation. Il s’ouvre avec le majestueux coq en béton de l’artiste tchèque Anna Hulačová qui, agrémenté de métal et de céramique, se poste non loin de la galerie Catherine Issert, fervent appui à la manifestation. Ailleurs, une sculpture musicale en grès chamotté de Katia Kameli, représentant une hutte (Hodhod #1), s’active sous le souffle du vent, ravivant la mémoire du poète persan Farid-ud-Din Attar et de son œuvre magistrale Mantir Al-Tayr (la conférence des oiseaux). À l’instar des pièces de James Webb, dissimulées parmi les arbres et leurs frondaisons, le son s’immisce dans ces installations, l’artiste sud-africain invitant ainsi dans ce paysage local un chant d’oiseaux venu d’ailleurs.
Tadashi Kawamata a, lui, installé, notamment sur un clocher, quatre nids monumentaux. Réalisés avec des cageots et du contreplaqué, ils renvoient aux trois pigeonniers d’Alex Ayed disséminés le long des remparts et réalisés à partir de matières naturelles, comme du bois d’olivier. Un grand oiseau bleu, celui de Xavier Veilhan (L’Oiseau n°3, 2021), les domine et rappelle par sa forme générique, immédiatement identifiable, le célèbre volatile convoyant de courts messages dans le grand ciel nuageux du web.
De son côté, Diana Thater présente à l’Espace Verdet ses vidéos dans lesquelles dialoguent des perroquets, tandis qu’une splendide tapisserie de Giulia Andreani, représentant Rosa Luxemburg la tête emprisonnée dans une cage, prend place dans la chapelle Saint-Michel située dans le cimetière, non loin de la tombe de Marc Chagall.
Des œuvres de Jean-Marie Appriou, John Cornu, Caroline Mesquita ou Petrit Halilaj permettent également de jeter un regard neuf sur Saint-Paul, dont le genius loci, maintes fois célébré par les artistes, s’incarne encore de nos jours au sein d’un hôtel légendaire, qui répond au doux nom de… La Colombe d’Or !
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3e Biennale Internationale de Saint-Paul de Vence, 3 juin-1er octobre 2023, divers lieux, 06570 Saint-Paul de Vence