Bien centré sur les pratiques du médium de la seconde moitié du XXe siècle à aujourd’hui, Drawing Now tranche aussi avec le plus sage Salon du dessin du palais Brongniart par ses accrochages. Au Carreau du Temple, nombre d’exposants et d’artistes se distinguent parmi une offre foisonnante par des présentations all over ou débordant largement sur les cimaises des stands. C’est le cas avec les insectes à l’encre de Chine sur papier marouflé sur bois de Florian Song Nguyen à la galerie Arnaud Lebecq dont les œuvres démarrent à 270 euros – l’artiste a participé en 2022 à la Biennale de Berlin avec un grand mural. Mais également d’Olivier Gruber (Invisible Galerie) et ses drôles de personnages hauts en couleur (autour de 2 000 euros pour une installation). Une dizaine d’œuvres dont quatre grandes installations sont parties le jour du vernissage, dont une acquise par la médiathèque de Caen. La galerie autrichienne Petra Seiser expose quant à elle tout un mur de grands portraits – de Baudelaire à Kafka – revisités avec un trait un brin grinçant par Thomas Palme. Une petite vidéo de dessins d’animation accompagne souvent les dessins, l’un des focus de cette édition… Autre tendance : la réinterprétation directe du quotidien, à l’instar d’Alexandra Jabre chez la Suisse Analix Forever, qui met en avant dans ses monochromes magentas des couples masculins, féminins ou même hétérosexuels en s’inspirant de selfies (à partir de 3 000 euros). Ce travail « sur l’amour et la sensualité », commente la galeriste Barbara Polla, s’accompagne de silhouettes, « persistance rétinienne » de ces rencontres ainsi que de petits bonshommes qui chutent, éparpillés sur les cloisons (à 100 euros pièce). Peu d’exposants ont fait le choix minimal de la galerie 22,48 m2, qui a accroché trois minuscules formats de Paola Ciarska à 1 500 euros au sous-sol (secteur Insight).
Nathalie Obadia, jugeant la qualité du salon en hausse, participe pour la première fois à Drawing Now. Elle montre des œuvres sur papier de Roger-Edgar Gillet qui les créaient de mémoire d’après ses tableaux (entre 9 000 et 11 000 euros). Sur le même stand, une Eruption de Joris Van de Moortel avec son cadre de l’artiste en style rocaille est partie le premier jour. Autre première participation : celle de la 193 Gallery avec, sur un stand entièrement bleu, un focus sur l’artiste Francisco Vidal, qui a exposé dans le pavillon angolais à la Biennale de Venise en 2015 (à partir de 1 300 euros).
Parmi les signatures plus anciennes, bien placés à l’entrée de la foire, Georges-Philippe et Nathalie Vallois consacrent un focus à Emannuel Proweller, avec des œuvres allant des années 1955 à 1970 – la galerie expose en parallèle dans son espace rue de Seine ses peintures. Il s’agit d’une redécouverte pour cet artiste d’origine polonaise émigré en France, qui fut exposé par Denise René et dont le Centre Pompidou a acquis des œuvres en 2023 ! Chez Templon, huit œuvres à 3 000 euros d’Abdelkader Benchamma se sont vendues à l’ouverture. Nommé au Prix Marcel Duchamp 2024, l’artiste prépare par ailleurs une « grotte » peinte dans la station de Vitry-sur-Seine du métro du Grand Paris, deux informations qui ne sont certainement pas passées inaperçues aux yeux des acheteurs… « Nous avons vu entre autres des collectionneurs de régions, de Marseille ou Lyon par exemple, qui ne viennent pas forcément pendant Paris + », confie Victor de Bonnecaze sur le stand.
Servies par les petits prix attractifs, les ventes ont pour plusieurs exposants bien démarrés au sous-sol lors du jour d’ouverture. À l’étage principal, elles ont été un plus « molles » jusqu’à présent, nous ont confié plusieurs galeries. Institutions et collectionneurs français sont toutefois venus en nombre, y compris Florence et Daniel Guerlain, dont le prix de dessin contemporain était annoncé aujourd’hui… au Salon du dessin. Le couple de mécènes a craqué pour un dessin de Gideon Kiefer chez Martin Kudlek et de Micha Laury chez Maubert. La semaine n’est pas finie, malgré le grand soleil incitant à rester dehors.
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« Drawing Now Art Fair », 21 au 24 mars 2024, Le Carreau du Temple, 4, rue Eugène Spuller, 75003 Paris.