Pour interroger les liens entretenus aujourd’hui entre l’art et le monde – un monde traversé de multiples crises environnementales, sociales, sanitaires, politiques et économiques, est-il rappelé –, les directeurs de l’ouvrage paru aux Presses du réel ont choisi une cinquantaine d’entrées, de « Aisthesis » à « Visuel » en passant par « Animal », « Écoféminisme », « Jardin », « Recyclage » ou « Territoire ». Dans leur introduction – tant un état des lieux qu’un manifeste –, ils se placent en héritiers de la pensée de Gilles Deleuze et, plus encore, de celle de Félix Guattari.
En effet, Roberto Barbanti, Isabelle Ginot, Makis Solomos et Cécile Sorin reprennent à leur compte la vision développée par le philosophe et psychanalyste dans son livre Les Trois Écologies (Galilée, 1989), qui associe l’écologie environnementale (liée à la nature), l’écologie sociale (liée aux problèmes sociaux et économiques) et l’écologie mentale (liée à la subjectivité des êtres humains) : « Tout se tient, écrit Félix Guattari ; on ne peut espérer remédier aux atteintes à l’environnement sans modifier l’économie, les structures sociales, l’espace urbain, les habitudes de consommation, les mentalités [...]. C’est ce qui me conduit à parler d’une écosophie qui aurait pour perspective de ne jamais tenir séparées les dimensions matérielles et axiologiques des problèmes considérés. »
Une nouvelle conscience écosophique
Dans le champ artistique, affirment les auteurs de l’abécédaire, cette vision élargie ne se limite ni à un discours ni à un motif. Elle dote l’œuvre d’une dimension sensible particulièrement prégnante : « Les arts en transition, en prise avec la problématique écologique et écosophique, n’ont pas pour objet les questions environnementales, sociales ou mentales. Ils sont réfractaires à la logique du greenwashing [...]. Ils embrassent les questions environnementales, sociales, mentales, politiques, de genre... pour en faire des questions artistiques, transformant ainsi l’essence même de l’art : celui-ci devient un milieu au sein duquel se forge la nouvelle conscience écosophique. »
Si l’on peut regretter la qualité inégale de certaines contributions et leur caractère parfois jargonnant, cet abécédaire offre de nombreuses pistes de réflexion, donnant aussi envie de lire ou relire Qu’est-ce que l’écosophie ?, recueil d’essais précurseurs de Félix Guattari (Éditions Lignes et Imec, 2018).
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Arts, écologies, transitions. Un abécédaire, Dijon, Les presses du réel, 2024, 296 pages, 25 euros.