« On l’associe au crayon, mais c’est bien plus vaste ! » Représenter la diversité du dessin, Louis de Bayser, président du Salon du dessin, en a fait son combat. Encre brune, papier bleu, sanguine, aquarelle, pastel, tempera..., ce foisonnement continue de surprendre et de captiver les collectionneurs comme les amateurs. Pour sa 33e édition, le Salon du dessin s’installe à nouveau dans le palais Brongniart, au cœur de Paris. Du 26 au 31 mars 2025, une quarantaine d’exposants triés sur le volet présentent un panel d’œuvres sur papier dans cet écrin néo-classique, ancien siège de la bourse de Paris.
Louis de Bayser se réjouit de la capacité de cette fine sélection à être représentative du marché. « Chaque marchand réalise une proposition originale. Il faut savoir mélanger les feuilles de grands maîtres et les noms moins connus », juge-t-il. La gamme de prix reflète cette variété, allant de quelques milliers d’euros à plus d’un million. Le marché du dessin suit depuis quelques années deux tendances de fond : d’une part, un intérêt soutenu pour les œuvres d’exception (« le très haut de gamme ne montre aucun signe de fléchissement », assure le président du Salon) ; d’autre part, une préférence affirmée pour les dessins aboutis, au détriment des esquisses et études préparatoires.
ÉCLECTISME ET OUVERTURE
L’édition 2025 confirme la dimension internationale de l’événement avec, outre les exposants français, dix-neuf galeries venues de huit pays : États-Unis, Italie, Royaume-Uni, Suisse, Belgique, Espagne, Allemagne et Pays-Bas.
« Le Salon rassemble des dessins italiens du XVIe siècle, hollandais du XVIIe ou encore français du XXe », précise Louis de Bayser, attaché à préserver chaque année un équilibre entre les écoles.
Onze marchands participent pour la première fois, des galeries les plus établies aux nouveaux visages du marché. La prestigieuse enseigne londonienne Stern Pissarro, coprésidée par l’arrière-petite-fille de Camille Pissarro, Lélia Pissarro, a sélectionné une quinzaine de dessins et d’aquarelles de l’artiste impressionniste, « de ses premières œuvres vers 1850 à ses travaux tardifs de la fin des années 1890 », qu’enrichissent des dessins de Pablo Picasso, Henri Matisse, Joan Miró, Georges Valmier, et jusqu’à des artistes contemporains tels qu’Anish Kapoor. Plus inattendue, la mégagalerie Michael Werner (Berlin, New York, Londres, Los Angeles, Athènes) fera aussi ses premiers pas au palais Brongniart. Une gouache de Francis Picabia devrait faire partie de son accrochage.
James Butterwick laisse découvrir des œuvres « souvent jamais montrées à l’Ouest ». Pour sa première participation, le marchand londonien propose une sélection autour du modernisme ukrainien, entre 1900 et 1930, avec les artistes Oleksandr Bohomazov et Konstantin Piskorsk. Sur le stand de la galerie Larock-Granoff (Paris, Honfleur), également primoparticipante et qui a fêté son centenaire en 2024, on trouve notamment un pastel d’Édouard Vuillard et quelques œuvres de Joan Miró datant des années 1960 et 1970.
Parmi les plus jeunes, la galerie Sabrier & Paunet, fondée en 2023 par Yasmina Sabrier et Marianne Paunet, dévoile un ensemble d’autoportraits et de feuilles napolitaines du XIXe siècle, ainsi que des dessins d’artistes réalisés autour de 1700. D’autres exposants font aussi leur entrée : F. Baulme Fine Arts (Paris), Aleandri Arte Moderna (Rome), la Galleria d’Arte Maggiore (Bologne, Venise, Paris), Florian Sundheimer (Munich), Traits Noirs (Paris) et MF Toninelli Art Moderne (Monaco). Cette dernière expose conjointement avec la galerie Claude Bernard (Paris), qui n’avait pas pris part à l’événement depuis plus de vingt-cinq ans. Les deux enseignes proposent un solo show du dessinateur allemand Horst Janssen. Ronny et Jessy Van de Velde ont également décidé de revenir au Salon du dessin, seize ans après leur dernière participation. La galerie d’Anvers y présente notamment des œuvres du peintre et architecte Henry Van de Velde, ainsi que du futuriste belge Jules Schmalzigaug.

Luigi Spazzapan, Projet de peinture murale, 1923, tempera sur papier appliqué sur masonite.
© Bottegantica
PARTENARIATS ET PRIX DE DESSIN
Le portrait figurant sur l’affiche du Salon du dessin offre un avant-goût de ce qui attend les visiteurs au cœur du palais : une remarquable série de treize portraits signés Lucas Cranach le Jeune, issus des collections du musée des Beaux-Arts de Reims, actuellement en travaux. « En dehors de l’Allemagne, les portraits de cet artiste du XVIe siècle se trouvent tous à Reims », souligne Louis de Bayser. Fidèle à sa tradition, le Salon s’associe en effet chaque année à une institution muséale afin de mettre en lumière la richesse, souvent méconnue, des collections de dessins.
Le Salon a également tissé un partenariat avec la Tavolozza Foundation, entité créée par la marchande et collectionneuse allemande Katrin Bellinger, spécialiste des dessins de maîtres anciens. La Fondation a sélectionné des œuvres sur les thèmes de l’artiste et du voyage, en correspondance avec le sujet du colloque organisé chaque année en marge du Salon. Pas moins de 15 000 visiteurs sont attendus pour cette édition, professionnels de tous horizons, amoureux du dessin ou simples curieux. Le médium a pour avantage « une facilité d’approche et d’accès qui parle à ceux qui viennent pour la première fois », soutient Louis de Bayser.
Comme chaque année, le Prix de dessin de la Fondation d’art contemporain Daniel & Florence Guerlain met en lumière la production d’un artiste dessinateur contemporain. « C’est un espace indispensable pour montrer que le dessin est toujours vivant », assure Louis de Bayser. Créé en 2007 par le couple de collectionneurs et mécènes Daniel et Florence Guerlain, ce prix vise à promouvoir des artistes internationaux dont la pratique du dessin occupe une place centrale dans leur travail. Pour sa 18e édition, les trois finalistes sont l’Irlandaise Alice Maher (née en 1956), qui a notamment représenté son pays à la 22e Biennale de São Paulo au Brésil, le Belge Gideon Kiefer (né en 1970) et l’Italien Ettore Tripodi (né en 1985). Le lauréat sera annoncé le 27 mars au sein du Salon du dessin et recevra une dotation de 25 000 euros, tandis que les deux autres artistes nommés se verront attribuer 5 000 euros chacun.
Salon du dessin, 26-31 mars 2025, palais Brongniart, place de la Bourse, 75002 Paris, salondudessin.com